Un grand merci à Explora Project qui a proposé cette randonnée glaciaire hors saison, et à Serge Roetheli notre guide, l’homme aux 1001 histoires, pour son humanité et son altruisme.
J1. Barrage de Mauvoisin – cabane de Chanrion 2462m
Partis hier après midi nous nous sommes arrêtés du côté de Chamonix pour dormir quelques heures dans la voiture. À 7h nous repartons sur les routes de montagne jusqu’à Mauvoisin, au pied du barrage. Nous rencontrons Tanguy, puis Serge notre guide et Rodolphe. L’équipe est au complet, Serge nous distribue crampons piolets et baudriers, puis la nourriture pour 6 jours : des repas lyophilisés soir et matin, des coquillettes avec de la tome fraîche, de la semoule, des crackers, cookies, abricots et figues séchées, pâte d’amande, comté et saucisson, pain complet, épices et aromates, bouillon cube, thé, café, sachets de soupe. Les sacs sont lourds ! En tout cas bien plus lourds que ce dont j’ai l’habitude! Vers midi nous voilà partis, tout d’abord à travers des tunnels qui nous amènent sur le haut du barrage, puis dans une ascension à travers la moyenne montagne.
En à peine 4h nous arrivons à la cabane de Chanrion, mais le poids du sac se fait bien sentir dans mes jambes.
Ici nous avons l’eau courante, des toilettes, la vue est magnifique… Serge nous fait boire thé et soupe pour nous réhydrater, puis c’est plâtrée de coquillette avec de la tome, à la frontale. A 20h15 tout le monde est couché, chacun sur son matelas posé au sol.
J2. Chanrion – cabane des Vignettes 3157m. Le « faux plat ».
Tout le monde se réveille tranquillement à 7h et à 8h15 nous sommes en route vers notre premier glacier, le glacier d’Otemma. Nous descendons un peu pour remonter gentiment à travers pierrier et moraines.
Nous arrivons enfin sur le glacier, émerveillés par cette force de la nature.
S’en suivent 10km de « faux plat » pour remonter ce glacier qui est sec et nous n’aurons besoin de nous encorder que sur son dernier km, de la neige masquant les crevasses. Tanguy y mettra d’ailleurs une jambe complète ! Nous avons grand soleil et la vue sur les montagnes et glaciers alentours est magnifique.
Un peu fatiguée à l’issue de cette montée la dernière partie sera relativement courte mais beaucoup plus soutenue… le sentier très abîmé lors de la saison d’été est très abrupt et très friable. La fatigue, mes chaussures d’alpinisme et les ampoules aux talons ne me facilitent pas la tâche et le franchissement de ce monticule de pierre s’avère assez compliqué pour moi.
Enfin parvenus en haut et toujours encordés la cabane est en vue, perchée sur son promontoire rocheux. Même le dernier escalier pour atteindre la cabane à 3157m est une épreuve !
Ici pas d’eau courante il faut aller chercher de la neige et la faire bouillir.
Thé, soupe, bonne blague et repas lyophilisé nous passons une bonne après midi suivie d’une bonne soirée.
J3. Aller retour au Pigne d’Arolla 3796m. Le « talus ».
L’altitude se fait sentir et personne n’a l’air très en forme au réveil… de mon côté je redoute les douleurs aux talons et le petit dej à du mal à passer… mais comme l’avait prédit Serge une fois dehors tout va mieux !!! Et puis on a pu se délester et ne prendre que le minimum pour cette ascension puisque l’on reste à la cabane des Vignettes ce soir. L’ascension débute dans la roche sur une crête un peu raide puis se prolongera jusqu’en haut sur glacier, encordés crampons aux pieds. L’air de rien ça pèse son poids une chaussure d’alpinisme cramponnée, et évidemment c’est beaucoup moins facile de prendre du dénivelé entre 3000 et 4000 qu’entre 1000 et 2000 ! La progression est lente bien que régulière et de temps en temps j’offre une courte pause au groupe histoire de reprendre mon souffle.
Quelle joie d’atteindre le sommet ! Il fait toujours grand beau temps mais le vent souffle alors nous ne nous attardons pas.
Une fois rentrés à 13h et après une petite toilette avec de la neige chauffée sur le gaz nous faisons le point sur les quantités de nourriture restante et faisons une nouvelle répartition. Cette fois les gars m’allègent un peu .
Le rythme est différent de ce que je connais habituellement : le petit dej est différent, composé de pâte d’amande, biscuits secs et quatre quart, le midi c’est grignotage de crackers, fromage et saucisson, au retour thé et soupe pour se réhydrater, et le vrai repas qui tient au corps le soir.
J4. Cabane des Vignettes – cabane de Bertol 3311m
Lever 6h aujourd’hui pour un départ au lever du soleil à 7h.
La journée est annoncée bien chargée par Serge. Direction le col de l’Evêque, il faut descendre sur le glacier pour remonter ensuite.
Dans les pas de Serge nous avons un rythme lent mais constant, heureusement la neige est gelée et nous ne nous enfonçons pas trop dedans. Arrivés aux crevasses assez importantes sous le col Serge nous trouve un passage (un peu délicat) et nous arrivons au col en 2h30.
À nouveau des crevasses nous compliquent la tâche et Serge se demande si nous allons pouvoir les franchir… au prix de quelques lacets et quelques acrobaties nous voilà en train de descendre le glacier pour arriver dans ses moraines puis un long pierrier.
Après une remontée c’est le pic nic à plan Bertol (2664m). Il est déjà plus de 13h et d’ici nous apercevons la cabane de Bertol perchée 700m plus haut. Serge nous accorde une petite sieste avant ce gros morceau, et c’est reparti.
La fatigue se fait sentir et je me remets dans les pas de Serge alors que les garçons m’ont encore allégée d’une partie de mon sac. L’ascension devient vraiment pénible quand nous entrons dans le pierrier instable, je vais même faire rouler une grosse pierre qui manquera de peu les tibias de Romain . Péniblement nous arrivons au pieds des échelles, les garçons ont en plus refait le plein d’eau en cours de route.
Plusieurs échelles se succèdent, des barreaux, et enfin nous arrivons à la cabane, perchée à 3311m à 16h30. Vite il faut allumer le feu et Tanguy, Rod et Serge redescendent sur le glacier chercher de la neige. Une fois le feu lancé et l’eau bouillante on peut enfin boire un thé, de l’eau, et manger des pâtes.
Je crois que c’est la journée la plus difficile que j’ai jamais eu à faire…
Le ciel commence à se couvrir et le bulletin météo pour la nuit n’est pas bon, pas sûr que l’on puisse continuer demain… si neige et brouillard cela deviendra trop risqué et on passera la journée à la cabane. En tout cas le poêle est très efficace !!!
J5. Cabane de Bertol
Comme annoncé il a neigé cette nuit, quelques centimètres. Serge sort à 6h pour se rendre compte des conditions et rentre se coucher. Nous comprenons que nous ne pourrons pas aller jusqu’à Schönbiel Hut aujourd’hui. C’est la loi de la montagne… A 8h tout le monde se lève tranquillement, on ne voit rien dehors, nous sommes en plein brouillard. La cabane s’est à peine refroidie pendant la nuit, Serge rallume le poêle, les garçons vont chercher la neige sur la terrasse et c’est reparti pour le cycle faire bouillir/faire du thé ou café/faire refroidir et recommencer… petit dej tranquille, nous allons devoir passer la journée sur ce perchoir et attendre une météo plus clémente pour redescendre sur Arolla demain. On ne verra pas le Cervin ni Zermatt cette fois.
En fin de matinée une éclaircie inspire Serge qui veut nous initier à l’escalade hivernale sur le pic qui touche la cabane : le clocher de Bertol. C’est Rod qui s’y colle, voulant lui même devenir guide… pas simple, la paroi est enneigée et glissante… finalement après ce premier passage et un bonhomme de neige affectueusement baptisé Serge Bertol ☃️ nous rentrons manger au chaud, il s’est de toute façon remis à neiger.
L’après midi passe entre siestes et jeux de carte… impossible d’explorer les alentours du refuge qui n’est accessible d’un côté ou de l’autre que par une succession d’échelles…
Petit cours sur les nœuds à connaître pour s’encorder, soupe, repas et il est temps de faire les sacs pour redescendre demain vers Arolla.
J6. Descente vers Arolla 2000m.
Il y à eu un gros coup de vent cette nuit qui a chassé les nuages et ce matin le ciel est redevenu clair.
Après presque 40h passées à Bertol à attendre des conditions météo plus clémentes il est temps de retourner en vallée. Tout le monde appréhende la descente des échelles verglacées. Nous sommes encordés, Serge nous assure et tout se passe bien. Le pierrier qui m’avait causé tant de misère lors de la montée est recouvert d’une neige fluide et légère, et par endroit on s’y enfonce jusqu’aux genoux. Il faut faire attention aux genoux et chevilles car du coup on ne voit pas sur quoi on pose les crampons mais on s’amuse comme des gosses dans cette neige.
Un roulé boulé dans la neige et une belle chute sur le verglas (sans bobo) plus loin, Arolla est en vue.
Nous sommes maintenant sur un beau sentier bien large. Bientôt l’arrivée, je vais pouvoir abandonner mes chaussures d’alpi pour mes crocs, mes pieds ayant bien souffert lors de ces 6 jours (ampoules aux talons, ongles devenus noirs, perte de sensibilité sur l’intérieur du pied gauche).
Un dernier plaisir avant le retour à Mauvoisin : Serge nous fait découvrir la spécialité locale, la fondue à la tomate. Quel régal à l’arrivée de ces 6 jours hors du temps, intenses, entre effort physique, concentration dans les passages délicats, rigolade, la neige à ramener et faire bouillir, le feu, le thé, la soupe, les histoires de Serge, les gourdes et poches à eau à remplir le soir…
Et dire qu’on ne s’est pas lavés pendant 6 jours ! Mais en fait c’était pas si terrible…
Au delà de cette « expédition » il y à eu une aventure humaine que je n’avais pas vue venir.
Et pour finir j’ai envie de dire : « GoPro capture »