Traversée du Vercors en ski & pulka

Le concept : une traversée des hauts plateaux du Vercors en ski et pulka (traineau) aux allures d’expédition polaire (-15°). 35 km en 4 jours, dans le silence et l’immensité blanche qu’offre cette magnifique région.

Mes attentes : Des paysages à couper le souffle, une expérience en dehors de ma zone de confort, un apprentissage sur les pratiques de survie par grand froid, de belles rencontres, un dépassement de soi…. La liste était bien longue… Bien sûr, je me disais que quoi qu’il arrive, cela resterait une expérience hors du commun que je n’oublierais pas. J’étais loin de m’imaginer que cela irait au-delà de mes espérances ! 
 M-1 : Ca y est, je suis inscrite ! Comme une petite fille à qui on vient d’annoncer qu’elle va passer le weekend à Disneyland, je me précipite sur la liste du matériel requis pour cette expédition. Ça, j’ai. Ça, j’ai pas. Ça, pas besoin. Ça, je vais le louer. Ça, je vais le demander aux copains. Mon petit tri fini, c’est parti pour un après-midi de course matos ! Je ne rentre pas tant que tout n’est pas bouclé… La frénésie terminée, je rentre à la maison préparer mes affaires. Sac isolant de jour, sac isolant de nuit, tapis de couchage,…. Tout doit rentrer, et tout doit être bien ordonné !

Voilà. Maintenant… « ya plus qu’à »… 
Je m’étais renseignée sur le profil des autres participants. Mono de ski, guide, ironman, trailers, … en gros, que des personnes en super forme qui ont l’habitude de bivouaquer, et profiter de Dame Nature… Ce qui n’est pas vraiment mon cas ! J’ai quelques triathlon/course avec dossards à mon actif, cependant je n’ai jamais dormi en tente, encore moins en environnement hivernal. Il ne me reste plus qu’à m’entrainer pendant un mois, pas question d’être le vilain petit canard qui n’arrive pas à suivre le groupe… 

Je choisis de : 

– travailler le cardio, en suivant un programme de course à pied tout simple (3 x 1h par semaine ), 

– lire à droite à gauche des articles sur la survie, le bivouac hivernal, etc. 

Je n’ai pas pour habitude de baisser les bras dans les défis que je me lance. Entre cela et ma mini-préparation, j’espère que cela sera suffisant… 
Day 1 (jeudi) : Et voilà nous y sommes ! Réveil à 5h du matin. Ça pique un peu, normal, avec l’excitation je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit… Nous prenons la voiture direction Corrençon, où tous les participants ont rendez-vous avec le staff Explora Project (Stanislas, Camille et la monitrice de ski Mélanie). 

A peine arrivée, je découvre des visages souriants, une atmosphère chaleureuse, et je me fais embarquer dans une logistique toute fluide : vérification du matériel, des sacs, distribution des DVA (euh, c’est quoi ? « détecteurs de victimes d’avalanches »), cartes du parcours et présentation du séjour, puis introduction de chacun autour de bons croissants… Je suis rassurée, le groupe a l’air hyper sympa, et je me sens déjà en confiance avec l’équipe Explora. Nous prenons ensuite la navette pour rejoindre le point de départ de l’expédition. 

Allez go : sur le parking en bas des pistes, on procède à la répartition des affaires communes dans les pulkas (tentes, réchauds, gaz, nourriture, …tout ce dont nous aurons besoin pour les 4 prochains jours). Nous sommes également briefés par le staff sur le principe du « sans trace », principe très ancré dans l’ADN d’Explora Project. 

Chacun prend son sac, chausse ses skis. Vamos ! 

Au programme 5 km avec un dénivelé de +500m. 

La première montée pose le décor : ça va être sport ! Tout en progressant sur le parcours, Mélanie rappelle l’importance de l’entraide au sein d’un groupe. Si quelqu’un ne va pas bien, il est important d’en parler. Les autres sont aussi là pour l’aider. Si quelqu’un veut faire une pause, aucun problème, nous ne sommes pas pressés. Nous avançons avec un bon rythme, et changeons selon les besoins et demandes les porteurs de pulka. 

Une pause par-ci, une pause par-là, un déjeuner au milieu de nulle part, la météo nous permet de profiter à fond du sublime paysage qui nous entoure. Je ne suis plus du tout inquiète, je SAIS que je vais passer 4 jours extra-ordinaires !! 

Arrivée au point de base, c’est parti pour l’installation du campement de groupe en tentes d’expédition. La nuit arrive, le froid commence déjà à se faire ressentir. Maintenant, il faut aller vite. 

Nous choisissons l’endroit où nous souhaitons installer les tentes, et l’équipe nous montre comment on installe le tout. En 30 minutes c’est réglé, notre premier nid « douillet » est prêt. On enchaine avec la préparation du diner : on remplit les pulkas de neige (pour alimenter les réchauds, ce sera notre réserve d’eau), on choisit nos menus (moment préféré de Stan !), notre premier diner se fera dans la tente tipi. On discute de tout et de rien, mais c’est aussi l’occasion pour la team de nous donner des conseils et formations sur la nourriture selon la météo (grand froid, grand chaud, humidité…), ainsi que sur le matériel adéquate (sac de couchage, Gore-Tex, etc…). 

Toutes les conditions sont réunies pour se sentir bien : je me sens comme un poisson dans l’eau alors que je découvre tout. 

Vient le moment d’aller dormir (20h30 !). Evidemment, j’ai du mal à trouver le sommeil. Il fait incroyablement froid, j’ai la tête à moitié dans la neige, et je me repasse tous les beaux moments que je viens de vivre… Je finis par fermer complétement mon sac de couchage (seul un oeil reste visible !) et tomber dans les bras de Morphée…. 

Day 2 (vendredi) : 6h du matin. Ouïe ouïe ouïe, la nuit a été difficile. Pas beaucoup dormi, il a fait très froid, je me suis réveillée un moment car je ne trouvais plus le petit trou de sortie de mon sac de couchage, un autre moment car mon sac avait glissé sur la neige, etc… Je sors un bras, mon dieu tout est glacial !!! Pas de panique. Quand on a froid, il faut surtout « garder son calme, ne pas gaspiller son énergie ». C’est incroyable de voir à quel point les conditions de froid extrême modifient toute la logistique. Tout devient plus difficile, plus laborieux. Je décide de rester dans mon sac de couchage et de me faire la liste de tout ce que je dois faire, tout le déroulé de préparation pour la journée, dans un ordre bien précis. Il faut optimiser les gestes, bien s’organiser. C’est parti, je me lance ! 

Au final, avec cette fluidité dans la préparation, tout va très vite et je me réchauffe progressivement. Les thé et café chauds préparés par la team Explora aident aussi grandement à adoucir ce réveil. 

Mélanie organise un atelier DVA, afin de nous familiariser avec cet outil : un boitier est caché, il faut le retrouver à l’aide d’un autre DVA. 

2 participants choisissent de vivre l’aventure en totale autonomie : le matériel de base (1 tente, 1 réchaud, du gaz, des rations, une pulka, etc…) leur est remis afin qu’ils puissent continuer l’expédition par leurs propres moyens. Moi, j’ai encore beaucoup à apprendre. Je préfère rester avec le groupe. Ce soir, je compte bien gérer de A à Z le montage du campement et la logistique du dîner. 

Les sacs à dos rangés, les tentes repliées, le petit-déjeuner avalé, les thermos préparés, c’est parti pour cette deuxième journée (à ce petit détail près que lorsque je veux rechausser mes chaussures et skis nordiques, je me rends compte que tout a gelé, je passe bien 20 minutes à tout enfiler…). 

Objectif : 11 km. Dénivelé +350m / -250m 

Ca grimpe, ça descend, le groupe progresse bien. 

Des petites pauses pour bien s’hydrater, un déjeuner saucisson/fromage/crackers au soleil, on garde un rythme soutenu nous permettant d’arriver vers 17h au point de base initial. 

Mais nous constatons que le parcours se termine au pied d’une ascension sur 2 km à franchir…. mieux vaut passer ce tronçon maintenant que demain, à froid et lorsque la neige sera encore verglacée de la nuit. Grace à un travail en équipe remarquable, nous arrivons à bout de cette interminable montée… Avec, en plus, les pulkas à porter, nous sommes tous lessivés, les dos, bassins, cuisses ont bien chauffés…. 

Et rebelote, la nuit tombe vite, on installe tout. Camille nous apprend même à faire une table de diner en neige, avec une pulka. Le résultat est top ! 

Comme escompté, je finalise mon apprentissage pour être autonome sur le montage de tente et préparation diner. Je me sens incroyablement bien au sein de ce groupe, et même, je ressens un léger sentiment de fierté ! 😉 

Nous nous couchons vers 20h30, tous prêts à faire de jolis rêves… 

Day 3 (samedi) : Ce matin, tout va plus vite. Je commence à être rodée, à connaitre les trucs et astuces pour ne plus (trop) subir le froid et être encore plus rapide sur la logistique. Il a fait -15° cette nuit, je n’ai pas beaucoup dormi, je ne sens plus mes mains et mes pieds, mais je suis pressée de m’activer afin de retrouver tous les membres de mon corps et lancer la journée. 
Je commence à sentir le sang circuler à nouveau dans les extrémités… ouahhhh c’est quand même bien douloureux !! Je serre les dents, je sais que ce n’est qu’une question de temps. D’autant que j’aperçois les lueurs du soleil arriver (magnifique spectacle. Je n’avais pas vu mais il y a des traces de pas de loups à coté de nos tentes. Ils sont passés nous dire bonjour pendant la nuit !). 

Ce que j’aime dans ce groupe, c’est que malgré toutes ces situations inconfortables vécues indépendamment par chacun, tout le monde garde sa bonne humeur, son enthousiasme, et son dynamisme. Je décerne clairement la palme d’or du joyeux luron à Jérémy ! 
Aujourd’hui notre objectif est de 12 km. +350m / -300m 
Progression sans encombre, les cuissots chauffent dans les montées, quelques chutes avec dégustation de sapin dans les descentes. Aujourd’hui la neige est vraiment dure et verglacée. Avec mes skis nordiques, j’ai l’impression d’être sur deux savonnettes. J’écope du surnom de Bambi… 

Nous avançons suffisamment pour nous rapprocher d’un refuge. Génial !! Je n’ai jamais dormi en refuge non plus, et j’aimerais beaucoup tester aussi. Proposition validée, nous serons 4 à y dormir après le diner. 

Nous faisons connaissance avec d’autres randonneurs, encore une fois, l’ambiance est des plus chaleureuse et conviviale. Je suis ravie ! 

Day 4 (Dimanche) : La nuit a été excellente, j’ai refait le plein d’énergie et suis prête pour les 5km qui nous séparent de la ligne d’arrivée. 

Objectif : 8 km. Dénivelé +150m / -600m 

Départ en groupe, nous parcourons les derniers kilomètres vers Corrençon-en-Vercors. Je profite à fonds de ces derniers instants seuls au monde avec les loups. Plus nous descendons les pistes, plus nous croisons à nouveau des gens (qui sentent le propre…). C’est le retour à la civilisation ! Et puis au loin je vois le point d’arrivée… Quel chemin parcouru, quel bonheur !!! Je suis partagée entre l’envie de retrouver mes proches pour leur raconter tout ce que je viens de vivre, et l’envie que cela ne s’arrête pas… 

Nous déposons nos pulkas au parking des Hauts Plateaux puis repartons à pied vers un restaurant d’altitude à 1h de marche. Nous trinquons, nous débriefons, et apprécions ce repas chaud servi dans de vraies assiettes ! Et vient le moment de se dire au revoir… ou plutôt, je l’espère, à la prochaine ! 

——- 

Au final, ce que j’avais sous-estimé en m’inscrivant à cette expédition est l’enrichissement personnel que j’y trouverai. Au-delà du dépassement de soi, de l’apprentissage de nouvelles pratiques, de la mise en situation en environnement inconnu, je n’avais pas imaginé ressentir de telles émotions. J’ai été très touchée par la synergie et l’entraide qui se sont développées au sein du groupe. Car le bonheur, c’est aussi le partage et l’altruisme. 

J’avais lu sur le site internet d’Explora Project une phrase qui m’avait particulièrement plu : « Vous aider à devenir la meilleure version de vous-même ». Dans tout ce que j’entreprends, je mets un point d’honneur à mettre en pratique cette notion. Et bien là, la promesse est clairement tenue. Je rentre de cette expédition plus confiante, en moi, en les autres aussi. Savoir donner, c’est bien. Mais j’ai appris que savoir recevoir est tout aussi important. Globalement, cette expérience a enlevé quelques barrières que j’ai pour habitude de me mettre… 

J’y ai aussi fait de fabuleuses rencontres : j’ai pris énormément de plaisir à apprendre à connaitre chacun des participants… C’était le coeur serré que j’ai fait mes au revoir à cette petite famille qui s’était formée le temps d’une expédition… 

Je suis aujourd’hui fière d’être membre de l’EPIC (Explora Project International Club), et mon inscription à la prochaine expé est déjà bouclée ! (Chamonix – Genève en mini-raft, 80 km sur 3 jours et 2 nuits en bivouac) 

La suite au prochain épisode, donc…!

Auteur: Constance Crété, @constance_gr_cr